Imprimer cette page

ANTOINE BASSOT: 1791 - 1857

Par Françoise BRUNELLE 2014 (révision 2019)

 

AVANT PROPOS

Antoine Bassot est l’ancêtre le plus intéressant rencontré dans mes recherches généalogiques, car la révolution a bouleversé le destin qui aurait dû être le sien : celui d’un marchand-fermier au service de la noblesse du Bourbonnais.

Il a su saisir les occasions offertes par une autre révolution : la révolution industrielle et notamment le développement de la construction des canaux en France au XIXème siècle.

Au fil des canaux, il n’a pas hésité à quitter son Bourbonnais natal pour le Nivernais, puis pour la Champagne, semant ici et là les enfants que lui avait donnés sa femme trop tôt disparue.

Voici donc un aperçu de la vie d’Antoine Bassot, homme aux mille métiers.

Chatelperron

Châtelperron, entre Allier et Loire

DEUX LIGNEES DE MARCHANDS FERMIERS

Antoine Bassot n’est pas noble, mais il nait dans un château : le château de Châtelperron, au début de la révolution, le 5 juillet 1791. Son père est co-fermier de la terre et châtellenie de Chatelperron, terre gérée par la famille depuis 1710.

Un premier bail de fermage de 1710 (annexe 1) la confie aux ancêtres d’Antoine pour trois ans. Ces baux seront renouvelés pendant tout le XVIIIème siècle par la famille des Gouttes, propriétaire de ce fief, comme le montre un autre bail de 1758 (annexe 2).

Des régisseurs de domaines

Antoine descend de deux familles très similaires et très apparentées : les Bassot et les Péjoux, dont tous les membres, depuis au moins un siècle, gèrent un grand nombre de fiefs seigneuriaux dans le nord-est du Bourbonnais.

La Pouge de Trézelles à Chavroches, Fontaine et Puysol à Cindré, Chambord à Treteau, Prairéal à Vaumas, les Myards à Pierrefitte-sur-Loire, les Escures à Châtelperron, la Varenne à Saligny-sur-Redon, les Chelettes à Montoldre, sont quelques-uns des domaines administrés par ces deux familles.

Les fermiers avaient toute jouissance des domaines et habitaient au château, les propriétaires nobles étant rarement sur place. Les baux signés devant notaire définissaient exactement toutes leurs obligations.

Ils étaient également marchands, négociant la vente des récoltes, du poisson des étangs ou du bétail et amenés à défendre leurs intérêts devant la justice. Voici la trace d’un contentieux opposant le curé de St Pourçain-sur-Besbre à Mayeul Bassot, arrière-grand-père d’Antoine en 17231 :

Et d’un autre entre Claude Péjoux, son grand-oncle et un autre marchand en 17712

Des personnalités locales

Leur éducation et leur aisance financière faisaient des marchands fermiers des personnages dans leur village. On les appelait « maître » ou « sieur », leurs femmes ou leurs filles « dame » ou « honnête fille ». Elles étaient régulièrement choisies comme marraines pour les enfants de leurs métayers. Elles faisaient des dons généreux ou des fondations à leur paroisse et plusieurs prêtres des environs assistaient à leurs funérailles, comme pour Jeanne Crouzier, arrière-grand-mère d’Antoine Bassot, le 3 juillet 1757 à Châtelperron.

Les mariages étaient arrangés avec d’autres marchands fermiers, des maîtres artisans (meunier, serger, marchand voiturier par eau) ou des propriétaires dans les communautés familiales agricoles, typiques du Bourbonnais dans l’ancien régime. Notre famille Bassot a des connexions familiales avec les chefs de la communauté des Bassots à St Pourçain-sur-Besbre et de la communauté des Crouziers à Montcombroux-les-mines.

Un désir de noblesse

En 1774, Estienne Péjoux, grand-père maternel d’Antoine Bassot, tout en continuant à gérer les domaines des autres, acquiert un fief nobiliaire : le fief de Beaudécrit à Chavroches qu’il paie 14100 livres et pour lequel il fait aveu de féodalité en 17763

Chavroche

On ignore ce qu’il advint de ce fief à la révolution.

La révolution

Ils n’étaient pas nobles, mais ils avaient de l’instruction. Ces familles se retrouvent tout naturellement aux premiers rangs pendant la révolution.

Le grand-père, Barthélémy Bassot, sera député du tiers-état pour la paroisse de Châtelperron aux Etats-généraux réunis à Moulins le 16 mars 1789 où se trouve aussi le grand-oncle Alexandre Péjoux pour la paroisse de Treteau, ainsi que des apparentés des familles Crouzier, Meilheurat, Clayeux, Fejar4.

Joseph Bassot, le père d’Antoine, sera nommé par délibération membre du conseil général de Châtelperron faisant office d’officier public le 10 pluviôse an 2, avant de partir s’installer à Thionne.

Quant au cousin François Bassot, il devient le premier maire de Châtelperron pendant la révolution et le restera jusqu’en 1813.

Après la révolution, les voilà maires (Etienne Péjoux à Cindré, François Péjoux à Dompierre-sur-Besbre, Jean-Baptiste Bassot à Chavroches, Antoine Clayeux à Thionne), jurés pour les expropriations au Conseil général (Barthélémy Bassot de Chavroches, Pierre Bassot de Liernolles). Certains ne dédaignent pas des alliances avec des familles nobles (Bernard Péjoux avec Marie-Josèphe Le Maur de Mautadon, Denis-Joseph Péjoux avec Michelle-Joséphine Féjard du Riage).

Naissance d’Antoine Bassot

Arbre Généalogique Bassot

Antoine est le huitième d’une famille de neuf enfants dont cinq survivront. La plupart resteront dans l’Allier toute leur vie. Seul le dernier est mort à Orléans.
Son parrain, oncle par alliance, est marchand fermier et sa marraine, sa tante, est épouse de fermier.

UN MARIAGE ARRANGE AVEC UNE TRES JEUNE VEUVE

Nous voilà en 1813 sous l’empire. Antoine Bassot a 21 ans. Il est déjà fermier loin de sa famille à Paray-le-Frésil, tout au nord du département de l’Allier.

Le prêtre desservant la paroisse, l’abbé Jean Baptiste Réaux du diocèse d’Autun, lui présente sa nièce Benoîte Desportes, âgée de 17 ans, mais déjà veuve et mère d’une petite Pétronille Marion. Benoîte habite à Crônat, dans la Saône-et-Loire, à la limite de l’Allier et de la Nièvre, juste de l’autre côté de la Loire. Elle est la fille unique d’un marchand drapier venu du Jura et de la descendante de deux familles de meuniers de Crônat.

Antoine et Benoîte se marient le 14 juin 1813 à Paray-le-Frésil et s’installent à Crônat où Antoine est maintenant propriétaire fermier. Là vont naître Joséphine, Marin, Jeanne Gabrielle, Anne et Antoine. Les deux grands-pères signent fièrement lors de la naissance des premiers qui portent leurs prénoms : Joséphine pour Joseph Bassot, Marin pour Marin Desportes.

A la mort du père de Benoîte en 1722, ils retraversent la Loire et partent vivre à Gannay-sur-Loire où naissent Adélaïde et Antoine. Mais à la naissance du petit Antoine, Benoîte meurt en couches. Elle n’a que 29 ans.

Antoine se retrouve seul avec cinq enfants : sa belle-fille Pétronille et ses quatre enfants survivants : Joséphine, Marin, Anne et le premier Antoine. On peut supposer que sa belle-mère, veuve et sans enfant survivant vient l’aider à les élever.

Elle est d’ailleurs là en 1830 au mariage de Pétronille à Paray-le-Frésil où Antoine est redevenu fermier.

LE CANAL LATERAL A LA LOIRE

1830, sous la restauration. Antoine a 39 ans et n’a encore exercé qu’une seule activité : fermier, marchand fermier, propriétaire fermier.

Mais sa belle-fille, qui a 18 ans, se marie. A-t-elle choisi un fermier ? Non, son époux, François Delorme, arrive d’Auvergne et est employé au canal comme appareilleur, tailleur de pierres. Ses témoins de mariage sont, eux-aussi, aux Ponts-et-Chaussées comme conducteur ou employé.

Le canal latéral à la Loire est en construction et il passe à Paray-le-Frésil5. Le chantier est basé à Beaulon, tout près de là. On peut imaginer qu’Antoine a suivi les travaux, discuté avec son nouveau gendre et ses amis et que cela lui a donné des idées.

Quatre mois plus tard, on le retrouve propriétaire à Moulins, trois ans après voiturier à Cusset, près de Vichy où vivent aussi François Delorme, toujours tailleur de pierres et sa famille, et Joséphine Bassot qui se marie là en 1833 avec un autre tailleur de pierres : Louis Baratin, originaire de la région.

Pourquoi Cusset ? Sans doute à cause des carrières de pierre que le nouveau voiturier doit pouvoir expédier sur les chantiers.

Ensuite, la famille se sépare : Joséphine et son mari restent à Abrest près de Cusset où elle est tailleur de pierres puis couturière jusque vers 1851. Ils partent ensuite s'établir à Chaudes-Aigues (Cantal) où elle mourra en 1859 à l'âge de 45 ans. Trois enfants leur naissent, dont 2 Jean-Baptiste, l'un qui restera à Chaudes-Aigues avec sa belle-famille et l'autre qui partira comme entrepreneur à Paris avec son père.

Impossible de savoir où sont partis François Delorme, Pétronille Marion et leur premier fils, mais François est ensuite témoin aux mariages de sa belle-famille quelque soit la région (Pouilly-sur-Loire ou Contrisson) et la date (1839 et 1841).

François Delorme, Pétronille Marion et leur premier fils suivent les travaux des canaux à Beaulieu-sur-Loire où naîtront 2 autres enfants au milieu des années 30. Puis ils repartent encore plus loin, mais François sera toujours témoin aux mariages de sa belle-famille quelle que soit la région (Pouilly-sur-Loire ou Contrisson) et la date (1839 et 1841).

On les retrouve à Dijon où François meurt en 1850, mais son fils Auguste poursuit les travaux comme entrepreneur des chemins de fer et finra par s'établir dans le Doubs où il fait souche à Byans-sur-Doubs. Lui aussi sera fidèlement témoin au mariage de ses cousins Jean-Baptiste Baratin et Marie-Louise Morin en 1865 à Pouilly-sur-Loire.

Et Antoine? Il a repris la route avec les trois enfants qui lui restent en suivant la construction du canal.

METIERS DE BOUCHE

Le 12 juillet 1837, Antoine Bassot se remarie à Pouilly-sur-Loire. L’acte de mariage le décrit comme employé des Ponts-et-Chaussées demeurant à Beaulieu (Loiret). Quel est son travail ? Nous ne le savons pas. Peut-être l’ancien fermier s’occupe-t-il de logistique sur les chantiers.

Canal latéral à la Loire6

Il épouse Anne Beaufils, 47 ans, elle-même deux fois veuve et aubergiste. Les témoins du marié sont un sabotier de Pouilly et un traiteur de la Charité-sur-Loire.

Il s’établit donc avec sa nouvelle épouse comme aubergiste à Pouilly-sur-Loire où il est toujours en 1839 quand sa fille Anne se marie avec un menuisier. Elle aura deux enfants et restera en Bourgogne jusqu’à sa mort.

Les deux fils d’Antoine se forment dans les métiers de bouche : Marin comme boulanger et Antoine comme traiteur.

Le canal latéral à la Loire a été ouvert en 1838. Le chantier était terminé et l’auberge a dû perdre ses clients. Antoine a repris la route avec ses deux enfants restant, entrainant avec lui sa femme et une fille de celle-ci, Emilie Connault âgée d’une douzaine d’années.

RETOUR AUX CANAUX

Un nouveau canal s’ouvrait à la construction en 1838 : le canal de la Marne au Rhin à partir de Vitry-le-François (Marne). En route, donc, pour la Champagne.

Et voilà Antoine, employé du canal de la Marne au Rhin et habitant à Revigny-sur-Ornain, lorsque son fils Marin, établi comme boulanger à Contrisson, se marie le 23 décembre 1841.

Puis à quelques kilomètres de là, entrepreneur de travaux publics habitant à Vitry-le-François, lorsque son fils Antoine, restaurateur, s’y marie le 13 juillet 1846.

Le recensement de 1846 à Vitry-le-François fait état du foyer d’Antoine Bassot composé de lui comme chef de ménage, d’Anne Beaufils sa femme et d’Emilie Connault, la fille de celle-ci. Ils habitent alors 12 rue St Michel en centre ville.

Recensement Bassot

Son fils Antoine et sa femme habitent tout près au 14 petite rue de Vaux. En 1849, le jeune traiteur meurt à l’âge de 28 ans, laissant deux jeunes enfants. D’après son acte de décès, son père était encore vivant à cette date.

REBONDISSEMENT

Avant la mort de son fils, Antoine Bassot, sa femme et la fille de celle-ci avaient déjà quitté Vitry-le-François. Le mystère est total sur leurs motivations. On les retrouve près de Paris, à Gentilly où Anne Beaufils meurt elle aussi en 1849.

Les ChaufourniersVoilà Antoine veuf pour la deuxième fois. Mais il ne va pas le rester et épouse en troisièmes noces une jeune veuve de 20 ans sa cadette : Modeste Marion, originaire du Loiret. Comment se sont-ils retrouvés à Avon, près de Fontainebleau où ils convolent le 24 juin 1851 ? Et Antoine a encore un nouveau métier : chaufournier, c'est-à-dire fabricant de chaux, une spécialité de la région.7

Pour une raison inconnue, ils vont s'installer un peu au sud du Loiret : à Argent-sur-Sauldre (Cher). Là, déjà âgé, il est encore cabaretier. C'est en Berry qu'il terminera sa vie. Épidémie ou coïncidence ? Il meurt le 13 décembre 1857, un mois après avoir enterré le petit garçon de 14 ans de sa nouvelle épouse.

ET LES ENFANTS?

1830 a marqué une vraie rupture dans la vie de la famille. Jusque-là, Antoine Bassot était fermier de différents domaines du Bourbonnais et élevait ses cinq enfants orphelins avec l'aide de sa belle-mère Pétronille Réaux.

Comme on l'a vu, le mariage de sa belle-fille avec un appareilleur du canal latéral à la Loire l'a lancé sur les routes à la suite de ce gendre. Il a alors confié ses 3 plus jeunes enfants. En 1836 on trouve Marin (20 ans) ouvrier boulanger chez un patron à Digoin. Anne (15 ans) aussi à Digoin comme lingère à la charge de sa grand-mère.Et le petit Antoine (14 ans), d'abord chez ses oncle et tante Bassot à Thionne, puis, commis, logé chez sa belle-sœur et son beau-frère à Beaulieu-sur-Loire.

Retrouvailles familiales

Malgré leur vie mouvementée et leurs nombreuses séparations après la mort de leur mère, les enfants d'Antoine Bassot ont réussi à rester très proches les uns des autres. Ils savent écrire et maintenir une correspondance et utiliser les chemins de fer qui se construisent alors partout. Un fils de Joséphine et une fille d'Anne sont nés en 1842, l'un à Abrest dans l'Allier, l'autre à Pouilly-sur-Loire dans la Nièvre. Comment se sont-ils rencontrés ? Leur mariage a-t-il été arrangé ?

Sept ans après la mort d'Antoine Bassot, le 14 février 1865, a lieu à Pouilly-sur-Loire le mariage des deux cousins germains Jean-Baptiste Baratin et Marie-Louise Morin en présence de la famille venue de partout : Anne Bassot et son mari, son frère Marin, son beau-frère Louis Baratin, le cousin Auguste Delorme. Un vrai festival de signatures Bassot, Baratin, Morin, Delorme.

CONCLUSION

Marchand fermier, propriétaire fermier, fermier, propriétaire, voiturier, employé des Ponts-et-Chaussées, aubergiste, employé du canal de la Marne au Rhin, entrepreneur de travaux publics, chafournier, cabaretier furent les mille métiers d’Antoine Bassot au cours de son périple de l’Allier au Cher, de la révolution au troisième empire.

Un homme à la vie agitée après la mort de sa première femme, chargé de nombreux enfants: les siens et ceux de ses trois épouses, toutes les trois veuves et déjà mères quand il les a épousées. Pétronille MArion sera comme sa première fille, visiblement très proche des autres enfants. Claudine Emilie Connant l'a suivi avec sa mère de la Nièvre à Gentilly, où elle s'est mariée. Et c'est Antoine qui a du déclaré la mort du petit Clovis Priou de 14 ans à Argent-sur-Sauldre.

Il a laissé des descendants chez tous ses enfants : ceux d’Emile Edouard Bassot, fils de son fils Antoine, ceux de Marie Elvina Bassot, fille de son fils Marin, ceux de Marie Louise Morin, fille de sa fille Anne ou des Jean-Baptise Baratin, fils de sa fille Joséphine. Ou des quasi descendants chez Auguste Delorme, fils de Pétronille Marion. Les uns sont devenus commerçants sédentaires (boulangers, épicier), mais les autres ont gardé le goût de l'aventure industrielle comme entrepreneurs du chemin de fer à la grande époque du développement des lignes de train.

Annexe 1

Annexe 2

Annexe 3:Dates-repères

Annexe 4: Descendance de Benoîte Desportes

-----------------------------

1 Inventaire – Sommaire des archives départementales antérieures à 1790 – Série B – Sénéchaussée et siège présidial du Bourbonnais p. 83

2 Inventaire – Sommaire des archives départementales antérieures à 1790 – tome premier p. 114

3 Sommier des fiefs du duché du Bourbonnais, volume premier

4 Bulletin de la Société d’émulation du Bourbonnais 1851(2) p. 209

5 Photos tirées du site des Amis du canal latéral à la Loire

6 Croquis tiré du site des Amis du canal latéral à la Loire

7 http://www.fontainebleau-foret.fr/SiteBoisGautier/07_pages_dossiers/dossiers_complements.htm#014