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Guion Puech

Guion PUECH (1656 - 1743)

Antoinette VIGUIER Laubenc (1659? - 1743)

 

1656/09/27: Baptême à Ste Geneviève de Guion PUECH, fils de Pierre et Jeanne MORMENTRÈS.
Parrain: Guion FONTALBAT, avocat et juge de Séverac.
Marraine: Anne MORMENTRÈS.

La famille de Guion PUECH habite le Puech, une grosse ferme à une altitude de 800m qui domine l'Argence morte, actuellement commune de Graissac, (avec 16 habitants). Elle dépendait de la paroisse de Sainte-Geneviève.

Le PuechLes archives de la famille PUECH permettent de retracer la vie de Guion PUECH. Son travail, au cours d'une longue vie de 87 ans, a d'autant plus marqué sa maison qu'il en a été très tôt responsable. Contrairement à son fils et à nombre de princes héritiers qui rongent leur frein avant d'arriver aux affaires, lui, était orphelin certainement avant 12 ans, probablement même beaucoup plus tôt car un testament de son père date de 1657. Ses oncles Jean et Antoine, associés à sa mère Jeanne MORMENTRES, avaient pris en charge l'oustal dans les années 1660 - 1670. Antoine était prêtre, il est resté vicaire, et quoique Affre ait dit bien du mal des prêtres de la Montagne, celui-ci savait, sans doute, écrire et pouvait éduquer son neveu. Guion a été, par eux, initié aux affaires.
Il se dit marchand ou même, avec une certaine rouerie, paysan, mais bourgeois s'il faut s'imposer; les ancêtres étaient laboureurs, aucun PUECH, apparemment, n'a prétendu au titre d'écuyer, ce qui, au moins, aurait diminué ses impôts; aucun n'a été enterré dans l'église, même si le niveau de fortune des PUECH, supérieur celui de familles nobles, les a fait rechercher en mariage pour des demoiselles au joli nom et sans grosse dot.

Guion est fermier, bon administrateur de biens. Les comptes sont tenus scrupuleusement, comme en témoignent les collations d'actes retrouvées 250 ans plus tard, collations qui malheureusement ne portent pas les signatures des originaux. Il a fait fructifier l'héritage à en juger par les impôts payés avant et après son entrée en fonction. La taille de son père Pierre était élevée (20£) en 1643,mais dépassée par celles des voisins, VIGUIER et MIGNARD ; le vingtième de 1750 (environ 20£) est devenu le plus élevé de la Bastide lou Quié.

Son travail n'est pas différent de celui d'un exploitant d'il y a cinquante ans.
Le fermier dirige le personnel, et a la responsabilité de l'administration. Avant que ne disparaisse cette espèce d'exploitation plurielle comportant trois sortes d'activité, agricole, bovine, ovine, le travail du fermier (et de sa femme) a été décrit sur le domaine de Seveyrac à Bozouls qui a été exploité par les FRAYSSINOUS de 1792 à 1920. Ce travail a été celui des PUECH au Puech, des MAYNIER à Albouse, des GINESTON à Gouzettes.
Le fermier qui s'absente souvent de la ferme pour fréquenter les foires et les loues de la région, doit aussi participer aux travaux les plus importants. Il mènera la première paire de bœufs au labour, par exemple. En son absence, le maître valet le remplace.
La femme du fermier et les enfants participent à la marche de l'exploitation. Elle prépare les repas, respectant la hiérarchie pour servir à chacun, sa qualité de pain et de vin, car famille et personnel ne partagent pas la même table. Le personnel comprend les ouvriers agricoles, ceux attachés à la vacherie, et ceux de la bergerie, conformément aux trois activités.

Guion PUECH est plus audacieux, peut-être que ses prédécesseurs : par un bail d'affermage de 1707, il loue la montagne de la Branque haute à Alpuech, un gros morceau appartenant à Bonneval, pour l'estive du bétail qui vient de Viadène même (il rembourse son beau-frère COMBORNAC d'Espinasse en lui assurant l'estive de bestiaux) ou de plus loin par transhumance; là, on fabrique le fromage dans le buron, ce fromage qui paie une partie de la location. Fermier, il n'exploite pas tout directement; cette montagne, d'après Ginesty1, peut supporter 100 vaches sur sa centaine d'herbages; les PUECH père et fils qui gèrent ensemble leur domaine, en louent une partie à des buroniers qui devront s'acquitter d'un prix de bail pour leurs bêtes et s'occuper du velage des bêtes du bailleur et de l'étable à cochons.
Le bétail se compose donc des vaches laitières, mais il y a aussi des veaux, des bêtes de boucherie. Il faut de l'argent pour acheter les bêtes, il faut aller de foire en foire pour les vendre. Il a aussi, besoin de prés pour le fourrage d'hiver, on le voit défendre âprement ceux qu'il peut grignoter chez les voisins, il a rassemblé toutes les terres qu'il pouvait pour agrandir son domaine propre, avec une prédilection pour les terres de Tresagues. Tresagues est le procès le plus long, le sujet de la contestation remonte au 16e siècle et on ne sait pas si Guion a tout absorbé en 1740.

L'élevage des brebis est aussi pratiqué, à Durbec, tout près du Puech. La bergère, appointée par Guion, en compte chaque année, une quinzaine. J'ai peu de renseignements sur cet élevage qui semble s'être perpétué en Viadène au 19e siècle encore. Que faisait-on des agneaux mâles? Manifestement, on ne conservait que les femelles. Donc, on devait les manger, une nourriture peu appréciée ? On parle toujours du cochon. Quoiqu'il en soit les moutons étaient élevés pour leur laine qui pouvait être filée. Les noirs valent-ils moins chers que les blancs? on les distingue. Les gages des femmes citées dans les comptes, concernent-ils des fileuses ? Elles sont plus nombreuses à être rétribuées que les hommes qui sont valets.

Marchand, Guion PUECH fréquente les foires, Laguiole, bien sûr mais aussi, Rodez qui est déjà loin. Il apparaît que la Viadène et l'Aubrac ne sont pas si enclavés qu'on pourrait le penser. Outre le voisinage pour les besoins des exploitaitons, on se rend à Chaudesaigues, à Mur de Barres, Aurillac et St Flour sont rares : pourquoi la laine n'aurait-elle pas constitué partie de son commerce, sous forme de toisons ou de laine filée ? Si le Gévaudan qui n'est pas loin était renommé pour ses draps cadis semblables à de la serge fine, le Rouergue en produisait aussi : les robes des "étrennes" de mariage étaient en drap cadis de Rodez, sinon en drap de pays.

Chef d'exploitation, marchand, Guion doit se procurer les marchandises de son commerce, et en 1709, année de crise grave où l'hiver a été si froid que tout a gelé, il n'y a plus rien, plus de grains surtout. Il en achète, du seigle et de l'avoine, avec d'autres «paysans», six de Ste Geneviève et six d'Orlhaguet, à l'abbaye de Bonneval qui a des stocks dans sa grange de Biac. Traiter en bonne forme avec le prieur, cela vaut mieux que faire le siège du «château» comme d'autres semblent l'avoir tenté. Les conditions de remboursement sont réunies deux ans après, sans oublier les intérêts; mais où va-t-on signer l'acte, le 22 décembre 1711? A Rodez, et cela quand il gèle là-haut dans les montagnes! Ce qui nous apprend, encore une fois qu'on n'hésite pas à se déplacer quelle que soit la saison, mais qu'il doit y avoir une raison à ce déplacement. L'achat des grains avait été signé solidairement par les douze devant le notaire de Ste Geneviève. A Rodez, il n'y a pas de notaire, seulement le prieur et deux comparses, PUECH et BARTHE qui cherchent peut-être bien à rouler les autres, en se dégageant eux de leurs coobligés, d'Orlhaguet, surtout que le prieur menace.

Ferme Le Puech

Guion plaide à longueur d'année, cette préoccupation est évidemment très présente dans les actes conservés où il a forcément le beau rôle. La législation de l'antichrèse fait naître les conflits: un débiteur abandonne à son créancier, la possession et l'usufruit d'un immeuble pour assurer l'acquittement d'une dette. Ce n'est pas une vente, pas un prêt (l'église y était opposée), mais, au fil des années, après quelques successions, on oublie à qui appartient le pré gagé.

Ainsi en est-il du pré de la Rivière acquis en 1716 d'un Pierre DESMONS dont les parents se réveillent en 1734 pour contester l'usufruit de PUECH qui réclame, lui, les 90£ qu'il a payé. L'existence de plusieurs juridictions (Thénières, Benaven) complique encore les «productions» des parties, ces interminables plaidoiries composées par les avocats.

Si Guion est procédurier, les parents lui ont causé du souci. Sa mère et ses oncles lui ont laissé sur les bras, la sale affaire de l'héritage de Paule DENGLES, sa grand-mère qui traîne depuis 1671 et qu'il règle en 1691. Ensuite, il est peu d'années où il n'est pas empêtré dans une quelconque reconnaissance dotale de sœur (ça commence en 1687) ou de fille qu'on n'en finit pas de payer, il aligne alors les louis d'or dont on dit que les paysans ne les voyaient pas souvent: impressionnant! En 1723, on sent le notaire les compter, admiratif, seize louis d'or de 45 livres pièce, et des écus blancs; c'est lourd et mal commode, prédisait Law, peu de temps avant.

Et pourtant, en 1720, Guion a marié son fils aîné, Guillaume, lui donnant, comme de coutume, tous ses biens, à la réserve ... de l'usufruit, des dots aux enfants non encore établis, et il y a eu, au total, six filles mariées dont on peut supposer que les «constitutions» n'étaient pas inférieures à 1000£. Pauvre Guillaume qui vivra au Puech, en attendant la succession du maître, pendant 23 ans. Et pauvre jeune épouse, Marianne Frayssinoux qui supportera sa belle mère, en cohabitation, presqu'ausssi longtemps. On espère la maison grande et confortable; le Puech n'a pas l'allure d'une demeure seigneuriale comme Albouse ou la Bouscarie qui ont des bases anciennes du 17e siècle. La photo de la grange évoque, par sa taille et ses proportions, celle de la Bouscarie, elle serait alors, du 19e siècle seulement. Reste-t-il des bâtiments plus anciens?

Le livre de comptes de Guion nous montre un homme méticuleux. Il a réservé les premières pages pour regrouper, par matières, ce qui arrive chaque année. La première page de son carnet est réservée ... aux naissances de ses enfants, date et heure, inscrites les unes en dessous des autres, commençant tout en haut ; pas de sentiment, il comptabilisait ses enfants comme ses brebis qui ont aussi, d'année en année, une feuille réservée ! Puis des feuilles réservées aux travaux agricoles,telle la date où on a commencé à moudre, chaque année.

Après cette dizaine de pages, complétées au fil du temps, c'est un journal des évènements qui se suivent, il ne nous apprend rien de ses états d'âme, mais renseigne sur l'activité du marchand. Le carnet rappelle l'importance des fêtes religieuses, le soir de Notre Dame, la St Clément, il n'y a jamais de dates. Mais le seul commentaire que se permet Guion hors de ses comptes est relatif à la grande disette de 1694, "que le blé biau 45 sols le carton", ce qui a paru exceptionnel à ce marchand. Pour un mot écorché, ce "biau", le carnet est tout entier en français et d'une orthographe enviable de nos jours. Le patois des montagnes (pas l'occitan des poètes) a-t-il été une langue écrite ?

Signature
Signature sur un acte de 1713 (MGP 8/197)

 

Enfants : 9 tous baptisés à Ste Geneviève (Lou Puech),

1686/03/29 Guillaume Guillaume VIGUIER de Laubenc
grand père maternel
Jeanne MOURMENTRÈS
grand mère paternelle
1689/03/12 Jeanne2
baptisée le 16, âgée de 4 jours
Pierre PUECH
prêtre oncle
Jeanne de FILIQUIER
de Laubenc
1691/04/03 Jean Jean PUECH
oncle
Cathin de VIGUIER
de Laguiole
1694/02/02 Marianne3 Guillaume PUECH
du Puech
Anne PUECH
de la Gardelle
1696/01/01 Marguerite
(+avant 1738 d'après testament de sa mère, x à Pierre FRANC dont 3 enfants)
1698/11/23 Antoine
prêtre curé de Formiguères4 en Capsir, diocèse d'Alet, en 1754, vivant en 1765
1701/06/09 Jeanne5 Jean PUECH Jeanne VALADIER
del Quié
1704/02/14 Antoinette6 Me Marc DUSOLIER
notaire de Colienes
Toinette MONTVALLAT
du présent lieu
1708/11/02 Marie7

 

Sur ces neuf enfants, aucun n'est mort en bas âge, les six filles ont été mariées, un fils prêtre, un héritier, l'aîné des garçons, établi au Puech. Le second garçon est parti s'installer à Jongues, de l'autre côté de la Truyère.

 

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1 A. Ginesty, Le Haut Rouergue p. 88. A une vache par hectare, Bronco-Alto serait une belle montagne de 100 ha de quoi faire plus de 100 herbages (115 environ si on compte 3,5 seterée par herbage ou 85 ares)

2 Jeanne 1ère du nom a épousé en 1705, à Ste Geneviève, Pierre MAYNIER paysan de la Borie Haute de St Amans. Présence de Jean ROQUETTE praticien, Antoine DELMAS.

3 Marianne, 21 ans, épouse en 1715 à Ste Geneviève, Antoine CAMBOURNAC, 43ans, d'Espinasse, Orlhaguet, fils de Bertrand et Marie MARTIN. Présence d'Antoine PUECH praticien frère à la susd.

4 Formiguères, dans la haute vallée de l'Aude, est sur le chemin le plus court menant de l'Aubrac en Espagne, par Albi, Castres, Carcassonne. Était-il suivi plutôt que le passage du Perthus ? A noter la proximité de Roquefeuil.
Antoine PUECH a succédé dans cette cure à Marc JALABERT qui l'a résiliée en 1737/09/12 (Inventaire fait par le vicaire, le 1738/05/30, pour Mre PUECH. MGP 8/260). Marc JALBERT n'est pas cousin d'Antoine, mais beau-frère de sa tante Antoinette PUECH, celle-ci ayant épousé Marquès JALBERT.

5 Jeanne (2e du nom) épouse à Ste Geneviève en 1723, Pierre BATUT des Tours, Touluc, fils de +Amans et de Louise BAYLÉ. Présence de Guillaume PUECH, frère, Guion PUCH père, Pierre PUECH frère (?) (tous signent)

6 Antoinette épouse à Ste Geneviève en 1729, Noël ALRIC de Somagnies (?) Cassuéjouls, fils d'Anthoine et de Anne CALMELS. Elle est morte au Puech à 78 ans, le 1782/03/17.

7 Marie épouse à Ste Geneviève en 1734, Guillaume PAGÈS de la paroisse de Souvertges (?), fils de François et de N--- VIGUIER. Présence de Guillaume PUECH, Joseph GINESTON d'Auriac, Jean ALVIC, Jean BESOMBES de Cassuéjouls